michouthe

Crise malienne: Pour qui sonne le glas

Je reprendrais volontiers le titre du roman nobelisé d’Ernest Hemingway pour paraphraser la situation de crise que traverse le Mali. Il semblerait que ce pays sombre de jour en jour au su et aux vus de tous. Car ils sont tous là : de la MINUSMA à Barkhane en passant par des milices de tous genres. Mais malgré tout le chaos s’installe et fait chavirer le Mali. Et la Communauté Internationale assiste impuissante à cela. Mais comment oublier de se poser cette question presque subsidiaire : Pour qui sonne le glas ? Une expression qu’empruntèrent Hemingway à John Donne, le théologien anglais qui, du haut de sa chaire, prononçait il y a plus de 300 ans un message plutôt enclin à notre situation : « Nul homme n’est une ile en soi. Nous faisons tous partie d’un continent et chaque fois que tu sonnes le glas, ne demande pas pour qui il sonne, il sonne pour toi. » Oui ces mots de ce pasteur illustrent bien le nécessaire engagement de tous pour sauver le Mali de ce naufrage. Aucune armée dans aucun pays aussi puissant soit-il ne peut faire face à ce type d’ennemie. L’ennemie, pour autant visible, joue et combat de façon asymétrique. On se croirait dans un film de série B hollywoodienne.
Le bilan macabre s’amplifie et laisse dans le désarroi de nombreuses familles. Le rituel de deuils et de compassions devient routinier et se banalise. Tout comme se banalise la violence. Plus rien ne se passe dans les règles de l’art. Les soldats martyrs de Boulkeissi, de Dioura, de Guiré, d’Indelimane … Pour ne faire cas que du bilan de 2019 (plus 200 morts militaires), ainsi que des victimes civiles et ceux -tout aussi nombreux- des années antérieures payent le prix fort : celui de notre nouvelle guerre de libération. C’est pour nous que tous ces jeunes à l’entame de leur vie, parfois sans enfants, sont arrachés à l’affection des siens.
Les enfants de la République qui meurent au front tombent trop vite dans l’anonymats. Le temps du deuil national passe aussi vite que celui de la compassion populaire manifestée presque grossièrement sur les réseaux sociaux. Il est venu le temps de faire le point, le nécessaire point sur une guerre qui décime notre armée. Il s’agit non de condamner l’institution FAMA, mais surtout de lui donner de nouvelles options qui lui permettrait de mettre la chance de son côté. Car la vocation du soldat est de gagner et par voie de conséquence d’avoir tous les moyens pour gagner. Oui pour notre survie et par extension pour la stabilité de la région sahélienne, nous nous devons de gagner. Gagner avec le concours nécessaire de tous (Barkhane, MINUSMA ETC.).
Sinon que tous comprennent que le glas sonne pour tous.


Crise malienne : Après la signature, la répartition du gâteau fait déjà jaser !

Photo, Michel
Photo, Michel

Il est de coutume qu’après chaque crise, s’ouvre logiquement une bataille pour les places. Ainsi et après la signature du 20 Juin à Bamako par la CMA de l’accord pour la paix et la réconciliation, l’ère des petits arrangements et des positionnements s’installent. A ce jeu très embarrassant, il faut, à la fois pour le gouvernement et la médiation, avoir le sens de la mesure et de l’équilibre. Car, en définitive, c’est la survie du Mali qui est en jeu avec cette forte interrogation : Renaitre ou exploser après le 20 Juin.

La nécessaire renaissance

Le 20 Juin dernier fut le jour des grandes émotions. La grande joie de se retrouver en famille avec surtout l’espoir, oui le grand espoir de retourner à la norme démocratique et rembarrer pour de bon le fusil. Malgré les colères et les déceptions récentes, les bamakois ont plutôt toléré la présence de frères « égarés » qui, ont pu faire des emplettes sans être insulté et sans risqués quoi que ce soit. Encore une fois, on aura eu l’occasion d’apprécier la grande magnanimité du peuple malien. Aujourd’hui plus qu’hier, et malgré les barrières très factices invoquées, les maliens s’il le veut peuvent vivre ensemble. Ce vivre ensemble, bien qu’étant plausible, devra voir l’accord sur le papier se matérialiser dans les faits. L’urgence serait de mettre en application les dispositions sécuritaires et le reste attendra une éventuelle révision constitutionnelle, un referendum et une promulgation présidentielle. Au même moment, il nous faut obtenir des ressources sans précédents pour le développement du Nord. Sans être grotesque, adopté un Plan Marshal pour citer Adama Thiam, éditorialiste. Il s’agirait d’offrir des opportunités d’emploi à la jeunesse du Nord pour qu’elle cesse d’être un réservoir de main d’œuvre pour le crime organisé. C’est pourquoi, il apparait évident pour tous que la mise en œuvre de cet accord sera bien plus ardue que les péripéties de sa signature.

Quelques raisons qui expliquent la difficile mise en œuvre de l’accord

En premier lieu, la complexité et la délicatesse de l’accord.  Oui cet accord est complexe et délicat. C’est pourquoi, il lui faut franchir l’étape des explications aux antipodes des applaudissements provoqués pour affronter le test de l’appropriation via la conférence nationale prévue et le référendum obligée. Donc il nous faut continuer avec le débat.  Après le déploiement d’un effort louable pour le développement du nord, il faudrait nécessairement l’étendre à tout le pays pour donner plus de chance à la paix. Car, des populations entières dans le sud tirent le diable par la queue, se nourrissent de cueillette en période de soudure et regardent désespérément les bras valides déserter les champs pour d’hypothétiques richesses aurifères, ou d’hypothétiques eldorados européennes parfois au prix de leurs vies. Aussi, n’a-t-on pas l’impression que l’Etat s’arrête au poste de contrôle de Niamana (Poste de contrôle policière à la sortie Est de Bamako en direction de Ségou, symbolisant la limite géographique de la ville) comme l’a fait remarquer une bouche venimeuse. Autre raison, peut-être la principale, celle se rapportant à la question de la représentativité au sein du comité de suivi et plus tard dans les instances nationales.  Donc avant l’ultime bataille, celle de la représentation au comité de suivi a belle et bien commencé. Elles semblent reprendre les mêmes voies que celles complexes qui ont mené aux accords d’Alger. Cette bataille prématurée plonge Bamako et Alger dans l’embarras. L’embarras de savoir qu’on reprend avec les vieilles habitudes. De vielles et vilaines habitudes qui ont émaillé la phase II des pourparlers d’Alger lorsque les représentants de la CMA (la Coordination des Mouvements de l’Azaouad) avaient refusé de s’asseoir à la même table que ceux de la plateforme. A cette époque, les mouvements rebelles revendiquaient l’exclusivité de la légitimité à négocier avec le gouvernement malien et exigeaient de faire tenir à distance ces derniers à qui ils reprochaient d’être « proches de Bamako ». Aujourd’hui donc, à l’entame  des discussions à l’intérieur  du comité de suivi de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation des querelles similaires refont surface. Elle s’est surtout déportée sur la constitution de la délégation de cinq membres extensibles à laquelle à droit chaque partie. Et à ce niveau, chacun est à l’évaluation des enjeux, sauf que l’enjeu est de taille. Pour la simple raison que la présence à la table de négociation représente aussi la garantie des acquis figurants dans l’accord. Pour l’heure, ces petits arrangements de couloir et les positionnements au sein du comité de suivi font jaser et font perdre le temps. C’est pourquoi, nous espérons tous à une reprise des discussions fixée pour après la fin du Ramadan. Car il y a obligation d’avancer dans ce processus d’application.  Et les échos feutrés de ces batailles de procédures ne sont que désagréablement perçus par le malien lambda qui ne voit dans ce qui se passe au CICB (Centre International des conférences de Bamako) que les prémices des batailles pour le partage d’un gâteau qui reste encore à confectionner.


Crise malienne, pourquoi les vieux démons se réveillent-ils ?

mali (1)

Fondamentalement, rien d’étonnant ! Sauf qu’une semaine après le parachèvement du processus de signature de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali, les terroristes qui n’ont toujours pas lâché du lest ont, comme par leur habitude multiplié les attaques en privilégiant le spectaculaire et l’imprévu. Sans doute que les Maliens auront encore à parcourir un long et difficile chemin pour recouvrer un niveau acceptable de sécurité.

De l’intimidation, de la provoc, les djihadistes se font entendre à nouveau

Toujours le même mode opératoire : la recherche du spectaculaire et de l’imprévisible caractérise toutes les actions terroristes perpétrées jusque-là au Mali. On se rappelle des premiers attentats-suicides sur le sol malien. Puis s’en sont suivis d’autres de fortes ampleurs avec la tentative d’assassinat du général Mohamed Abderrahmane Ould Meydou et la tuerie (très spectaculaire et très imprévisible) du restaurant « La Terrasse », toutes deux au cœur de Bamako. Aujourd’hui, nous en sommes certainement à la phase préoccupante, notamment avec la série de raids meurtriers dans la zone du Macina au centre, sans oublier le déchaînement du mois d’avril qui a enregistré une série d’attaques sur les camps de la Minusma et de Barkhane. En essayant de piéger le convoi du responsable des forces armées et celui de la sécurité de la Mission onusienne en tournée d’inspection sur le trajet Tombouctou-Teherdge, les terroristes ont montré qu’ils avaient des réseaux de renseignement. Plus inquiétant encore, ce sont ces attaques dans le Sud, là où personne ne s’y attendait, à Misséni et à Fakola très loin de ce qu’on pourrait appeler son fief. Et pas plus tard que vendredi, elle est réapparue sur un terrain qu’elle a longtemps pratiqué dans le Sahel occidental près de la frontière mauritanienne.

On aura compris que depuis trois mois, les signaux n’ont pas manqué sur le retour en force des terroristes et leur volonté manifeste d’exercer une pression continue sur les forces maliennes et internationales. Mais ne nous méprenons pas, on devrait s’y attendre à ce regain de violence. Car, l’instabilité qui a prévalu au Nord s’est propagée dans le pays jusqu’aux endroits les plus inattendus. Certes, le projet des terroristes de s’installer durablement au Mali. C’est vrai que le Mali a connu le statut peu enviable de pays sous occupation. Ce qui est le cas en Irak et en Syrie avec Daesh. En occupant le septentrion malien, les djihadistes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique évoluaient sur un territoire important. L’émir Droukdel avait aussi envisagé l’édification d’un « Khalifat » sur un espace  couvrant tout le nord du Mali et une partie de la région de Mopti. Rappelons que le plan détaillé de ce projet avait été retrouvé à Tombouctou après la débâcle des occupants. Il y était question de la mise en place d’un Etat similaire à celui édifié par Daesh. Notre pays, même à une échelle nettement moindre que la Syrie ou l’Irak, a failli devenir une terre de djihad qui aurait certainement attiré les combattants venant du monde entier si le Nord n’avait pas été libéré à temps.

Pour toutes ces raisons, les terroristes qui ont occupé le nord du Mali poursuivent un projet inabouti, et continuent de frapper inopinément et ostensiblement. Cependant, malgré le 20 juin, date de la signature de l’accord par la CMA (Coordination des Mouvements de l’Azawad), il nous faut évaluer la juste mesure de nos difficultés. Oui, il serait long le chemin qui nous mènera à une paix totale et définitive. L’accord doit être respecté pour que renaisse le Mali. Nous possédons là un précieux avantage de pouvoir en finir avec ces groupuscules de la terreur.


Crise malienne : le temps de la compromission !

Photo, Michel
Photo, Michel

On se croirait dans un jeu de pingpong. D’un côté, un gouvernement légal d’un pays souverain qui serait prêt à tout pour le recouvrement total du territoire et pour la réconciliation nationale, de l’autre des groupes armés insurgés qui continuent de réclamer une large autonomie à défaut d’indépendance. Et pour jouer les intermédiaires un groupe de médiation internationale avec à sa tête l’Algérie, toujours aussi impliquée dans les gestions de crises réplétives au Nord du Mali. Malgré tout on aura compris qu’avec la signature de Bamako, les malentendus et les malaises n’ont toujours pas été dissipés.  C’est d’ailleurs ce qu’ont laissé apparaitre certaines réactions à la marche du 26 Mai. Et c’est nécessairement ce que nous devons chercher à dépasser ; même s’il nous faut encore retourner à Alger et mieux y trouver un compromis. Ainsi, comme nous pouvons le comprendre, dans la résolution de la crise malienne, c’est le temps de la compromission. C’est-à-dire il s’agit de transiger avec notre conscience ou nos principes en acceptant certains accommodements avec d’autres personnes pour l’intérêt suprême  de la Nation.

Les malentendus et les malaises inquiètent quant au proche avenir

La marche du 26 Mai dernier, en l’absence de sondage d’opinion sur l’humeur générale des maliens, fut un sérieux indicateur de l’Etat d’esprit de l’opinion nationale. Il subsiste de profondes inquiétudes sur le proche avenir de notre pays. De graves suspicions et des préjugées tenaces crées par les circonstances pèsent sur nos partenaires directs et que seuls dissiperont un patient travail de persuasion  et surtout l’amélioration de la situation au Nord. Car il est clair pour tout observateur avisé de la crise malienne que les maliens, globalement, sont extrêmement et fortement attachés à la préservation de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale. De cette grande manifestation à l’appel de la plateforme des associations de la société civile, nous en avons retenus de nombreuses inquiétudes, parfois contradictoires. Mais les principales inquiétudes se rapportaient très logiquement à l’intensification des attaques au Septentrion. Mais avant et à dire vrai, la décision de la CMA a se limiter au seul paraphe du document de l’accord du 15 Mai, en attendant l’ouverture de nouveaux round de discussions avec le gouvernement malien et la médiation ainsi que l’obstination du MNLA à récupérer Ménaka avaient éloigné dans l’esprit de nombreux maliens la perspective  d’une accalmie significative.  Donc il est clair pour le malien lambda que la récente multiplication des attaques touchant parfois et même le plus souvent les populations civiles apparaissent comme le signe de la mauvaise volonté manifeste de la coordination à aller vers la paix. C’est pourquoi le malien moyen reste jusque-là prudent quant à l’issue de ce processus.

Les suspicions et surtout les préjugées  sont alimentés par le fait que les maliens continuent de croire, malgré toutes les explications données par les autorités, à la partialité de la MINUSMA et de la France qu’ils accusent d’être alliés aux rebelles. Cependant, l’analyse objective exempte de toute chape émotionnelle l’enveloppant fait payer aux soldats de la paix un double tribut selon les interprétations divergentes des limites de leur mandat. Il faut ajouter à tout cela la maladresse communicationnelle  de la MINUSMA et de ses responsables. Une maladresse amplifiée par une communication presqu’autiste et experte dans l’usage des formules qui fâchent. Au demeurant, la mission a toujours clarifiée sa position : Elle n’est  pas au Mali pour livrer bataille aux rebelles et aux terroristes. Son mandat ne la destine pas à cette entreprise dans laquelle ni ses effectifs, ni son équipement ne lui permet de se lancer. Au même moment et à contrario, cette même MINUSMA affirme, et cela depuis ses débuts, avec véhémence et abondance que l’une de ses missions essentielles était la population civile.  Cette population civile qui pense que la mission ne s’investit pas autant qu’elle l’aurait pu.

Eventuellement Alger VI, et pourquoi ?

Depuis plus d’une semaine, de nouvelles discussions sont engagées à Alger. Un nouveau « round » qu’on pourrait qualifier d’Alger VI. Alger VI n’a pas l’approbation des composantes de la plateforme qui l’ont boudé, parce que pour elles, après la signature du 15 Mai il n y a plus rien à discuter. Pas plus qu’elle n’ait l’approbation du gouvernement malien qui pense aussi avoir presque tout accompli le 15 Mai. Mais enfin, pourquoi encore Alger se demande de nombreux maliens. Pour tout observateur avisée ce nouveau « round » ne peut être qu’une ouverture pour la CMA d’obtenir son paraphe alors même qu’elle a boudé la signature à Bamako dont étaient présents pour autant plusieurs chefs d’Etats. Pour la médiation, il ne s’agirait pas d’une réouverture des négociations car l’accord de Bamako est intangible. Mais plutôt de peaufinage final. Et la médiation utilise des termes d’accord consensuel, de tours d’horizon, d’échanges autour de l’accord pour qualifier ces nouvelles discussions d’Alger. Mais par rapport à cette nouvelle donne, les maliens se sentent écartés. Car le gouvernement informe mal, à la place la CMA continue son tapage médiatique tout en réaffirmant qu’elle ne signera l’accord qu’après de fermes engagement sur son application. Cela n’est donc plus qu’un secret de polichinelle, Alger VI est engagé. C’est évident que la paix ne profite qu’aux maliens. Pourquoi diable n’est-il pas possible d’expliquer à ce pays et son patient de peuple  qui ne veut que la paix pourquoi nous repartons à Alger après avoir signé à Bamako ? Pourquoi n’est-il pas possible d’engager des négociations inter-maliennes avec les rebelles ? Et pourquoi bon sang dit-on que les négociations sont finies alors qu’elles continuent ? Surtout le plus important de toute quand la CMA signera t’elle car sans sa signature, il n y a pas d’accord. Le temps presse pourtant, et il est grand temps que la marche vers la paix sorte de l’incertain pour emprunter un chemin droit. Car le retard dans la décantation de la situation ne fait en effet qu’attiser les tensions, empirer la situation sur le terrain, approfondir les malentendus, accentuer les malaises et compliquer les rapprochements. Toutes ces choses ont fait naitre chez l’opinion nationale des animosités parfois illogiques et installé une relecture très passionnelle des évènements. Pour mettre fin à cette spirale négative, il nous faut très vite trouver un compromis avec la CMA.


Pauvre Mali !

l'entrée principale de l'ambassade d'Alger à Bamako

 

Le Centre international des conférences de Bamako s’est paré de ses plus belles parures, les forces de sécurités en alerte maximum, les autorités tout excitées, les invités de marque répondant à l’appel… Il faut dire que le jeu en valait la chandelle, car la capitale malienne accueillait une cérémonie des plus solennelles pour l’avenir de notre pays. Une cérémonie de l’espoir pour la paix et la réconciliation. Mais une cérémonie tout de même symbolique. Et la médiation espérait la présence de tous les belligérants à Bamako. A l’arrivée le principal protagoniste n’est pas venu à Bamako. Mieux, il a décidé d’aller parapher dans un premier temps à Alger sous réserve qu’il ne signera que quand toutes ses aspirations et toutes ses revendications seront prises en compte. Certes, paraphe  il y a eu sous les pressions, mais avec la ferme volonté de réajuster le document de l’accord.

Donc pour ce qui est de cette journée du 15 mai 2015, qualifiée de mémorable par les autorités, c’est malheureusement le Mali qui signe avec le Mali, comme l’a déclaré, pessimiste et déçu, un diplomate de la sous-région. Il (le même diplomate) rajoute : « Il faut être deux pour signer un accord ». La déception et le pessimisme de ce diplomate sont partagés par une majorité de Maliens.  C’est justement pour éviter de traîner le pas que le médiateur en chef avait choisi Bamako et le 15 mai pour la cérémonie officielle de signature de l’accord définitif. Pourquoi ne pas regretter l’absence de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) quand on sait qu’elle a disposé de suffisamment de temps pour consulter sa base comme elle l’avait demandé. La situation est d’autant plus curieuse que le gouvernement du Mali s’était empressé de parapher sans même consulter le peuple malien. Mais après tout, on ne doit pas se leurrer, cet accord est, depuis sa conception, biaisé par la CMA.  Peut-être que depuis cette époque, elle avait perçu des difficultés pour convaincre sa base quant à la pertinence d’un texte qu’elle a discuté, négocié à sa guise et même accepté le contenu sans grandes réserves. Il est vrai que le document final d’Alger n’évoquait ni autonomie des territoires du Nord, ni fédéralisme des régions et ne dérogeait en rien au principe de la laïcité tel que généralement convenu. Or, ce sont ces points qui constituaient la quintessence même des revendications des mouvements rebelles.

Aujourd’hui, la démarche adoptée par la communauté internationale et la médiation apparaît comme une supercherie tant cette position maintes fois exprimée par la CMA et qu’elle continue encore de soutenir, même la veille du 15 mai 2015, a figé le processus ainsi que les négociations. Qui plus est, cette position est totalement incompréhensible au regard de l’attitude qui a été celle de la CMA, depuis le début du processus. Il faut se rappeler que curieusement, toutes les composantes de la CMA : HCUA (Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad), MAA (Mouvement arabe de l’Azawad), MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad) ont, dès l’entame du processus, fait des déclarations en faveur de la paix et pour le dialogue. C’était le cas dans le texte de la déclaration commune, dite d’« Alger » ; dans le texte des accords préliminaires de Ouagadougou ; dans la feuille de route et dans le texte du dernier accord d’Alger de 2015. À toutes ces occasions, les mouvements rebelles ont accepté de discuter, de négocier et d’amender les textes ainsi que leurs supports. Dès lors, il paraît incompréhensible qu’ils tergiversent avant de parapher et même de signer la version finale de ce texte,  se mettant ainsi en dehors du processus et prenant les mêmes risques que tous les « hors-la-loi » et les « hors la République ».  Aujourd’hui plus que tout autre, c’est notre attachement commun au principe de base issue de la feuille de route des négociations dans le cadre d’Alger qui nous lie. Il s’agit du :

  • le respect de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale du Mali ;
  • le respect de la forme républicaine et la laïcité du Mali.

Nous l’aurons compris que l’absence de la CMA à la signature de Bamako est totalement incompréhensible, comme l’est la tenue même de cette cérémonie sans elle. La CMA affirme et réaffirme qu’elle ne signera pas sans la prise en compte d’amendements indispensables. Des amendements qui, sans doute, font sournoisement allusion à la sempiternelle demande d’autonomie/indépendance. Quelle couleuvre ! De nous faire croire que la signature du 15 à Bamako est importante et décisive pour la paix et la réconciliation au Mali. Comme si l’enjeu était de sauver la tête d’IBK, ou encore de sauver la face de la diplomatie algérienne que de sauver la paix au Mali. Quelle couleuvre ! Parce que la CMA réussit, elle, à mettre en avant ses réserves, alors que le gouvernement malien lui, passant outre ses réserves, signe avec ses alliés à Bamako. Mais que faire ? Les résolutions internationales nous ont engagés sur cette voie. Et c’est certainement le seul moyen pour qu’on puisse se relever, même si nous risquons notre sacro-sainte intégrité nationale demain. Nous minimisons peut-être l’ampleur de notre tragédie pour nous renfermer dans l’autovalidation et pas dans l’obligation de satisfaire les Maliens et tous les Maliens. Pour ces raisons, il est possible que nous n’ayons pas fini avec nos difficultés. Pauvre Mali ! Il nous faut dès maintenant rompre avec les illusions pour faire face à la réalité.