Les Etonnants voyageurs ont boudé Bamako au profit de Brazzaville

Article : Les Etonnants voyageurs ont boudé Bamako au profit de Brazzaville
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14 février 2013

Les Etonnants voyageurs ont boudé Bamako au profit de Brazzaville

 

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La guerre au Mali, on le sait déjà, a et aura des conséquences néfastes sur le développement du Mali ; et la culture n’en fera pas exception. Le passionné de littérature que je suis ne peut qu’en être affecté. Je comprends que le rendez-vous de Bamako soit manqué, car guerre et culture ne riment pas ensemble. Ce pendant, je voudrai à travers ce billet rendre hommage aux Etonnants voyageurs qui, depuis plus d’une dizaine d’année, sont venus régulièrement célébrés les lettres africaines et d’ailleurs à Bamako et sur l’ensemble du territoire malien.

Le festival à Bamako, ce fut d’abord le Centre culturel Français (aujourd’hui l’Institut Français), puis le Palais de la Culture, sous les eucalyptus au bord du fleuve Niger. C’est en 2000 que Michel Le Bris et son Moussa Konaté  ont démarré l’aventure malienne non sans risque. Et depuis une dizaine d’année, « Les étonnants voyageurs » y ont déposé leur valise et ont offert, à chaque édition, du bonheur au public malien de Bamako et de plus d’une dizaine de localités.

La dernière édition du Festival à Bamako remonte de 2010, et déjà le Mali était dans les soubresauts de cette crise sans précédent qu’il traverse. Les regrets sont tels qu’en jetant un regard sur ce qu’était le Mali d’ils ya quelques années, on n’en revient pas. Et voici un peu ce qu’en pensait en 2010, tout près, Martin Page, un des Etonnant voyageurs :

« On m’a beaucoup demandé ce que je pensais du Mali, et de l’Afrique. Je n’ai passé que cinq jours à Bamako, je ne sais pas si c’est suffisant pour donner un avis avec un peu d’épaisseur.

J’ai aimé cette ville, parce que les gens que j’y ai rencontrés y étaient chaleureux et gentils, je m’y suis senti bien, à l’aise, et, pour tout dire, pas dépaysé (et c’est cette sensation de familiarité est peut-être paradoxalement ce qui a été dépaysant). Je ne me suis pas senti à l’étranger, je ne me suis pas senti loin de chez moi. Rien ne m’a semblé exotique ou vraiment différent. L’exotique et le différent, je les rencontre chez moi, à Paris, c’est ce qui devrait m’être évident qui me semble étrange. L’aventure inquiétante commence quand je sors de chez moi, quand je vais faire mes courses, que je prends le métro, que je parle à des gens dans une soirée. La géographie donne une idée fausse du monde. Je crois que nous vivions selon une géographie sentimentale qui déjoue les frontières. Les nationalités sont des éthiques plutôt que des points sur une carte. Je ne crois pas à l’étranger, je ne crois pas qu’ »ailleurs » existe.

Je me suis senti plus détendu à Bamako qu’à Paris. Moins effrayé, alors qu’à Paris tant de choses me font peur. Cela tient sans doute au fait que j’étais invité, et donc choyé ; et j’ai pensé qu’on devrait aussi avoir ce statut d’invité là où on vit, dans notre ville, et qu’on devrait considérer les autres comme des invités, la société serait plus douce. Les habitants de Bamako que j’ai croisés, avec qui j’ai discuté, m’ont fait penser à des gens que je connais, et avec qui je suis bien. Les professeurs qui m’ont accueilli étaient très semblables aux professeurs de Romans et de Metz dont j’ai visité les classes dernièrement.

Je ne souffre pas de fétichisme à l’égard des villes et des continents. Je suis bien là où la douceur et la bienveillance, la curiosité et l’humour existent. J’espère ne pas décevoir en disant cela, mais je ne pense pas quelque chose de particulier de Bamako. J’y ai aimé les gens, la musique, la nourriture, comme celle d’autres lieux. Je m’y suis senti bien, et les individus que j’y ai rencontré, les auteurs, les professeurs, les élèves, sont uniques, passionnants et généreux, grâce à eux, parce qu’ils se sont inventés ainsi, et non pas en raison de leur nationalité. Chaque voyage pour un pays lointain me rappelle notre proximité, et dans le même temps l’éloignement qui me sépare des gens qui vivent dans ma propre ville. C’est pour cela que partir est important. Pour ce que l’on ramène, c’est-à-dire la parenté réelle que nous partageons tous, et que nous oublions quand nous sommes voisins. Du Mali c’est cet enseignement que j’ai tiré ; et c’est une belle leçon que je n’oublierai pas et qui restera attachée dans mon esprit à ces cinq belles journées. » Source : www.etonnant-voyageur.com

Lui, il avoue s’être bien senti à Bamako et ne manque pas de louer l’hospitalité malienne, mais que dire de nous autres maliens qui accueillons le festival. Je sais et je ne suis pas le seul que ce festival a apporté plus aux maliens qu’eux n’en ont reçu de lui.

Les Etonnants voyageurs Bamako, c’est aussi et surtout l’émergence d’une nouvelle génération d’écrivains africains autour  des noms comme Alain Mabanckou, Abdourahman Waberi, Fatou Diome, Ken Bugul, Kossi Effoui, Florent Couao-Zotti… . En effet, ils sont aujourd’hui nombreux, ceux d’entre eux qui souligne le rôle que le festival a joué dans la reconnaissance de la littérature africaine dite francophone au-delà du continent africain. Bamako a connu huit merveilleuses éditions du festival qui ont contribué notamment à la renaissance du livre au Mali. Car, au delà du festival, une rentré littéraire y est organisée régulièrement maintenant; ainsi que bien d’autres manifestations d’ordre littéraire. Bref, la lecture et le gout du libre semble, depuis l’arrivé du festival, recrudescente.

C’est donc la fin de l’escale malienne des Etonnant voyageurs qui fait mal au cœur de Michel Le Bris co-directeur de cette grande messe de la littérature francophone et d’ailleurs : « Nous avons suivi les événements au Mali le cœur navré, confie Michel Le Bris. Tant de liens nous rattachent à ce pays, tant d’amitiés se sont nouées dans toutes les villes où nous sommes allés depuis la création du festival. N’oublions pas que celui-ci se déployait dans dix villes maliennes. La décision de renoncer à poursuivre l’aventure a été prise, à contrecœur, il y a bien des mois. Compte tenu du non-respect de ses engagements par le pouvoir malien, il était illusoire d’espérer trouver un financement. »

Et bien, je constate impuissant et avec le cœur meurtrie que le festival au Mali, c’est fini. Place au Congo et à Brazzaville avec Alain Mabanckou, à qui je souhaite et à la centaine de festivaliers un excellent festival. De l’avis des organisateurs Brazzaville annonce la relève littéraire africaine et clos le cycle commencé à Bamako il ya un peu plus de 10 ans. Ainsi, Brazzaville doit engager une autre aventure, celle d’une nouvelle Afrique naissante qui surgit sur la scène mondiale.

J’en termine pour dire que Bamako rêve d’accueillir de nouveau les Etonnant voyageurs dans ses jours meilleurs qui ne sont plus loin.

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