Crise malienne : le temps de la compromission !

3 juin 2015

Crise malienne : le temps de la compromission !

Photo, Michel
Photo, Michel

On se croirait dans un jeu de pingpong. D’un côté, un gouvernement légal d’un pays souverain qui serait prêt à tout pour le recouvrement total du territoire et pour la réconciliation nationale, de l’autre des groupes armés insurgés qui continuent de réclamer une large autonomie à défaut d’indépendance. Et pour jouer les intermédiaires un groupe de médiation internationale avec à sa tête l’Algérie, toujours aussi impliquée dans les gestions de crises réplétives au Nord du Mali. Malgré tout on aura compris qu’avec la signature de Bamako, les malentendus et les malaises n’ont toujours pas été dissipés.  C’est d’ailleurs ce qu’ont laissé apparaitre certaines réactions à la marche du 26 Mai. Et c’est nécessairement ce que nous devons chercher à dépasser ; même s’il nous faut encore retourner à Alger et mieux y trouver un compromis. Ainsi, comme nous pouvons le comprendre, dans la résolution de la crise malienne, c’est le temps de la compromission. C’est-à-dire il s’agit de transiger avec notre conscience ou nos principes en acceptant certains accommodements avec d’autres personnes pour l’intérêt suprême  de la Nation.

Les malentendus et les malaises inquiètent quant au proche avenir

La marche du 26 Mai dernier, en l’absence de sondage d’opinion sur l’humeur générale des maliens, fut un sérieux indicateur de l’Etat d’esprit de l’opinion nationale. Il subsiste de profondes inquiétudes sur le proche avenir de notre pays. De graves suspicions et des préjugées tenaces crées par les circonstances pèsent sur nos partenaires directs et que seuls dissiperont un patient travail de persuasion  et surtout l’amélioration de la situation au Nord. Car il est clair pour tout observateur avisé de la crise malienne que les maliens, globalement, sont extrêmement et fortement attachés à la préservation de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale. De cette grande manifestation à l’appel de la plateforme des associations de la société civile, nous en avons retenus de nombreuses inquiétudes, parfois contradictoires. Mais les principales inquiétudes se rapportaient très logiquement à l’intensification des attaques au Septentrion. Mais avant et à dire vrai, la décision de la CMA a se limiter au seul paraphe du document de l’accord du 15 Mai, en attendant l’ouverture de nouveaux round de discussions avec le gouvernement malien et la médiation ainsi que l’obstination du MNLA à récupérer Ménaka avaient éloigné dans l’esprit de nombreux maliens la perspective  d’une accalmie significative.  Donc il est clair pour le malien lambda que la récente multiplication des attaques touchant parfois et même le plus souvent les populations civiles apparaissent comme le signe de la mauvaise volonté manifeste de la coordination à aller vers la paix. C’est pourquoi le malien moyen reste jusque-là prudent quant à l’issue de ce processus.

Les suspicions et surtout les préjugées  sont alimentés par le fait que les maliens continuent de croire, malgré toutes les explications données par les autorités, à la partialité de la MINUSMA et de la France qu’ils accusent d’être alliés aux rebelles. Cependant, l’analyse objective exempte de toute chape émotionnelle l’enveloppant fait payer aux soldats de la paix un double tribut selon les interprétations divergentes des limites de leur mandat. Il faut ajouter à tout cela la maladresse communicationnelle  de la MINUSMA et de ses responsables. Une maladresse amplifiée par une communication presqu’autiste et experte dans l’usage des formules qui fâchent. Au demeurant, la mission a toujours clarifiée sa position : Elle n’est  pas au Mali pour livrer bataille aux rebelles et aux terroristes. Son mandat ne la destine pas à cette entreprise dans laquelle ni ses effectifs, ni son équipement ne lui permet de se lancer. Au même moment et à contrario, cette même MINUSMA affirme, et cela depuis ses débuts, avec véhémence et abondance que l’une de ses missions essentielles était la population civile.  Cette population civile qui pense que la mission ne s’investit pas autant qu’elle l’aurait pu.

Eventuellement Alger VI, et pourquoi ?

Depuis plus d’une semaine, de nouvelles discussions sont engagées à Alger. Un nouveau « round » qu’on pourrait qualifier d’Alger VI. Alger VI n’a pas l’approbation des composantes de la plateforme qui l’ont boudé, parce que pour elles, après la signature du 15 Mai il n y a plus rien à discuter. Pas plus qu’elle n’ait l’approbation du gouvernement malien qui pense aussi avoir presque tout accompli le 15 Mai. Mais enfin, pourquoi encore Alger se demande de nombreux maliens. Pour tout observateur avisée ce nouveau « round » ne peut être qu’une ouverture pour la CMA d’obtenir son paraphe alors même qu’elle a boudé la signature à Bamako dont étaient présents pour autant plusieurs chefs d’Etats. Pour la médiation, il ne s’agirait pas d’une réouverture des négociations car l’accord de Bamako est intangible. Mais plutôt de peaufinage final. Et la médiation utilise des termes d’accord consensuel, de tours d’horizon, d’échanges autour de l’accord pour qualifier ces nouvelles discussions d’Alger. Mais par rapport à cette nouvelle donne, les maliens se sentent écartés. Car le gouvernement informe mal, à la place la CMA continue son tapage médiatique tout en réaffirmant qu’elle ne signera l’accord qu’après de fermes engagement sur son application. Cela n’est donc plus qu’un secret de polichinelle, Alger VI est engagé. C’est évident que la paix ne profite qu’aux maliens. Pourquoi diable n’est-il pas possible d’expliquer à ce pays et son patient de peuple  qui ne veut que la paix pourquoi nous repartons à Alger après avoir signé à Bamako ? Pourquoi n’est-il pas possible d’engager des négociations inter-maliennes avec les rebelles ? Et pourquoi bon sang dit-on que les négociations sont finies alors qu’elles continuent ? Surtout le plus important de toute quand la CMA signera t’elle car sans sa signature, il n y a pas d’accord. Le temps presse pourtant, et il est grand temps que la marche vers la paix sorte de l’incertain pour emprunter un chemin droit. Car le retard dans la décantation de la situation ne fait en effet qu’attiser les tensions, empirer la situation sur le terrain, approfondir les malentendus, accentuer les malaises et compliquer les rapprochements. Toutes ces choses ont fait naitre chez l’opinion nationale des animosités parfois illogiques et installé une relecture très passionnelle des évènements. Pour mettre fin à cette spirale négative, il nous faut très vite trouver un compromis avec la CMA.

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