Le clivage social, l’autre revers de Dakar

Article : Le clivage social, l’autre revers de Dakar
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23 avril 2013

Le clivage social, l’autre revers de Dakar

images Dakar, credit photos  Michel, Avril 2013
Dakar (Crédit photo: Michel, Avril 2013)

 

Dakar, -jadis capitale de l’Afrique Occidentale Française (AOF), aujourd’hui capitale du Sénégal-, est une admirable ville flanquée sur les berges du Golfe de Guinée. Je l’ai découvert grâce à Mondoblog et j’en suis ravi. Je l’ai aussi aimée en même temps que je l’ai snobée. Dakar se révèle à la fois comme une ville très vivante et insondable. De son centre à sa périphérie, on déniche l’âme d’une ville qui déborde d’énergie. Celle de ses habitants débordants de vie, passionnés et passionnants, avec une créativité tout aussi débordantes munis d’un esprit satirique.

Nul besoin d’être urbaniste ou sociologue pour identifier la discrimination sociale qui caractérise Dakar tant le clivage social crève les yeux. J’aurais aimé ne pas parler de Dakar sous cet angle là ; mais c’est vraiment dans mon ressenti lorsque je la découvrais,- même si je l’ai trouvé globalement admirable-, qu’il m’a paru indispensable de l’évoquer. Je n’apprends rien à personne en l’évoquant, mais au moins j’aurais le mérite d’étaler mon émotion sur le Dakar que j’ai connu.

Si je m’étais confiné au Dakar qui se livrait à moi, -celui qu’on m’a offert de voir-, je n’aurai sans doute pas l’occasion de voir le Dakar pauvre, celui des dakarois miséreux et misérables. Disons le tout net et sans ambages, il ya bel et bien un Dakar de la pauvreté ; peut être cela concerne une bonne majorité des dakarois. Ils sont dans les quartiers périphériques et parfois au centre historique de la ville. Ils sont les principaux animateurs de cette grosse ambiance dakaroise. De mon séjour dakarois, je n’ai pas manqué de voir les galetas qui abritent ces nombreuses populations vivant très souvent dans la débrouillardise. Ils sont, pour ce que j’ai pu remarquer, en majorité à grand Yoff, à la Medina et surtout dans les faubourgs de Dakar. Pour vivre dans la jungle urbaine dakaroise ils sont, pour la plupart, vendeurs ambulants dans le centre-ville ou chauffeurs de transports en commun, ouvriers, charretiers etc. Ces vendeurs à la sauvette, ces chauffeurs de taxi, bref ces débrouillards font l’âme de Dakar. En leur observant dans leurs courses effrénées du gain quotidien, l’on se croirait au milieu d’un monde d’arnaqueurs qui n’hésitent pas à manipuler quelqu’un qui présente une tête d’étranger. Oui à Dakar, la tête de l’étranger est facile à dénicher ;  il suffit juste de remarquer qu’il ne parle pas wolof. Il faut dire au passage que le wolof est admiré par les dakarois. A chaque coin de rue, dans les services et même à l’Université, on ne parle qu’en wolof. Pour être honnête, j’avoue avoir apprécié ce grand amour des dakarois pour le wolof. Cependant ce que je n’ai pas du tout apprécié c’est la mauvaise volonté de ne pas communiquer avec les étrangers en français ; car n’oublions pas qu’en venant à Dakar on est à l’idée que l’on vient dans le pays de Léopold Sedar Senghor, l’agrégé de grammaire française, poète et  chantre de la francophonie. Donc on est loin d’imaginer qu’on fera face à un problème de communication en français avec les dakarois. Cet état de fait peut s’exacerber surtout quand on se retrouve dans un taxi. Je m’abstiens volontiers de vous parler davantage des taxis dakarois, tant des camarades mondobloggueurs se sont déjà déchaînés largement sur le sujet. A ce propos je vous recommande quelques blogs sur la plate forme Mondoblog : Florian NGIMBIS, Nicolas Dagenais. Ce Dakar de la misère dans sa quête effrénée du gain quotidien m’a paru répugnant et dégoutant. Celui que je qualifierai, à la manière de Fenouil[1], de Dakar la brute. Je pense à ce propos à ces quelques vendeurs ambulant qui n’ont aucune peine à vous harcelez avec un article dont ils ne hésitent à vous proposez au triple de son prix. Dans cette jungle, l’étranger est systématiquement réduit à une proie à ne pas manquer et avec qui il faut placer la barre très haute dans l’échelle de marchandage. En voici donc une situation qui m’a amené pendant mes huit jours de séjours à snober ce Dakar  là.

Loin de moins l’idée de réduire Dakar à cet aspect brutal qui effraie, sinon j’ai côtoyé l’autre Dakar, celui de la bonne classe sociale dakaroise que je qualifierai, là encore à la manière de Fenouil, de Dakar le bon. Ce Dakar est constitué de l’intelligentsia, d’operateurs économiques, et même de la classe moyenne dakaroise. Ce Dakar m’a donné l’impression d’être déconnecté de la réalité sénégalaise.  Cette haute et moyenne société dakaroise est localisée dans les quartiers chics de Dakar comme à Mermouz, à liberté, au plateau etc. Ils sont, pour la plupart, employés de bureau, cadres de l’administration, professeurs, hommes d’affaires, peoples (personnalités des arts et de la culture). Ces dakarois sont presqu’assimilables aux occidentaux tans ils ont adopté le monde de vie occidentale. Il faut aussi savoir que la majorité d’entre eux vivent à cheval entre le Sénégal et l’occident. Je dirais que ces dakarois snobent Dakar et se confine dans leur petit monde. Pendant qu’en banlieue, on vole pour manger, pour ne pas voir son frère ou sa sœur mourir d’un accès palustre ; ou même qu’on tue pour assoupir sa faim. Au même, dans l’opulente Dakar on vole et tue pour payer la dernière paire de pompes, pour se payer le nouveau Ipad, ou même faire une virée avec des nanas « canon ». Pour ces différents crimes, les autorités policières et judiciaires ferment délibérément les yeux pour les nantis et prononcent la perpétuité pour le prolétariat.

De ce regard sur la structure sociale dakaroise, je retiens que deux Dakar complètement différents se côtoient et tentent vaille que vaille de partager le même espace. Je retiens aussi que les deux se regardent en chien de faïence comme s’ils attendaient à en découdre.

J’ai trouvé Dakar vivante et merveilleuse, mais j’ai pensé qu’il urge de réduire au mieux le clivage social qui m’a paru insoutenable. Oui j’ai eu l’impression d’avoir remarqué un Dakar de l’opulence qui côtoie sans vergogne celui de la pauvreté et de la misère ; et là-dessus j’ai juste pensé que cela ne tardera à s’embraser si l’on n’y prend pas garde.


[1] Fenouil, grand reporter à Moto-Journal, « Une moto dans l’enfer jaune », Flammarion, 1974

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