Le Mali en guerre, la culture en berne
Jadis, théâtre de nombreuses manifestations culturelles constituées de festivals et rencontres internationaux autour de la musique, du cinéma, du théâtre, de la photographie…, le mali culturel semble, -en raison de la crise sans précédent de son histoire qu’il traverse-, léthargique.
L’Institut Français barricadée par des barrières de sécurité sur sa façade principale avec des hommes en arme postés pour y veiller. C’est d’ailleurs cet état de fait qui m’a inspiré ce billet.
Il est évident qu’en période de guerre les manifestations culturelles, -très souvent à caractère festifs-, s’éclipsent. Pour le cas précis du Mali cette situation, si elle perdure, peut avoir des conséquences incommensurables. Mais voyons voir ce qu’il en est de la situation pour en mesurer la teneur.
Oui, cette crise a eu des conséquences néfastes sur les activités culturelles, d’abord au Nord, avant d’atteindre aujourd’hui l’ensemble du pays, surtout en raison de l’état d’urgence en vigueur depuis le début de l’intervention française, aidant à rétablir l’intégrité territoriale du pays.
Sans conteste, le Nord du Mali constitue l’un des potentiels culturels du pays. C’est le site de nombreux patrimoines classés par l’UNESCO (Tombeau des Askia, Mosquées de Djinguiereber, Sankoré), aujourd’hui en détresse. C’est aussi la présence d’artisans dotés d’un grand savoir-faire ; mais c’est surtout celle d’artistes musiciens de renommés (Grammy Awards pour Ali Farka Touré, Tinarwen). Et bien, avec l’occupation de cette partie par les islamistes, les artistes du nord ont été contraints de s’exiler pour sauver leur vie. Car les islamistes interdit de jouer des instruments, d’écouter de la musique ou même d’avoir une mélodie pour sonnerie de portable. C’est pourquoi certains de ces artistes sont venus vivre à Bamako, pendant que d’autres ont trouvé refuge dans les camps au Burkina Faso et au Niger, ou encore à Tamanrasset dans le sud de l’Algérie plus proche et plus facile d’accès pour les touaregs que la capitale.
Au sud, principalement à Bamako la situation sécuritaire s’est dégradée depuis le Coup d’Etat du 22 Mars. Et l’état d’urgence n’est pas venu pour arranger les choses, au contraire il a renforcé la situation léthargique des manifestations culturels du pays. Malgré, toutes ces difficultés les hommes de culture ont tenté de faire résistance au Sud, notamment à Bamako, avec pour d’autres la réalisation de singles pour dénoncer justement cet état de fait. C’est le cas notamment des artistes musiciens comme Oumou Sangaré, Tiken Jah Fakoly, Ben Zabo… contribuant à leur façon à l’effort de la paix et de la réconciliation nationale. En ce début de l’année 2013, la tension a monté d’un cran, car les djiahdistes ont décidé de faire l’assaut final menaçant sur le coup l’existence même du Mali. C’est ce qui explique la morosité de l’expression culturelle. Que ce soit dans au Nord comme dans le sud, interdiction pour les uns et plus de concerts pour les autres. En dépit cet état de fait, une quarantaine d’artistes maliens ont décidé de s’enfermer trois jours durant dans le mythique studio Bogolan à Bamako pour enregistrer un morceau choral ou chacun, -de Ben Zabo à Fatoumata Diawara, d’Amadou et Mariam à Vieux Farka Touré, d’Oumou Sangaré à Khaira Arbi, en passant par Toumani Diabaté-, y va de son couplet pour chanter l’unité du Mali et la fin de la mainmise des islamistes sur le Nord du pays. « Je n’ai jamais vu de situation aussi désolante, catastrophique, ils veulent nous imposer la Charia. Allez leur dire que le Mali est indivisible mais aussi inchangeable », chante Soumaila Kanouté ; « faisons attention, pour ne pas perdre notre pays. Faites attention, sinon nos enfants et nos petits enfants ne pourront pas lever la tête. Je m’adresse aux politiciens et aux militaires » renchérit Oumou Sangaré. Des mois, après la situation politique incertaine qui prévaut depuis le Coup d’Etat du 22 Mars, l’enlisement de la situation avec l’intervention de l’armée française a fini par faire réagir les artistes qui sont nombreux et influents dans le pays.
Cependant, ces différents singles font exception en ces temps difficiles. Pour en avoir la mesure, il suffit d’évaluer la liste de manifestations culturelles délocalisés ou déprogrammés. Je ne vous apprends rien quand je vous dis que le Mali, en début d’année, vie au rythme de festivals et de rencontres culturelles à caractère international. C’est le cas entre-autres : « Les Etonnant voyageurs », le festival international du livre de Bamako qui, depuis 2010, ne sont plus venus à Bamako ; le Festival du Théâtre des réalités, le Festival d’Essouk, le Festival de Tamadacht, le Festival au désert, le Festival des masques de Koutiala, le Festival des masques et marionnettes de Markala, le Festival international des Arts et de la culture songhaï, le Festival international des cauris, le Festival sur le Niger, le Festival Triangle du Balafon, les Journées culturelles de Kayes, les Rencontres Africaines de la photographie etc. D’audiences internationales, ces festivals se repartissent sur l’ensemble du territoire malien, avec une part importante pour le Nord. Sans doute, et vous convenez avec moi que toutes ces manifestations témoignent de la vitalité culturelle du Mali qui se retrouve aujourd’hui dans l’ombre d’une crise dont on ne connait pas la fin. C’est pourquoi, d’ailleurs, certains festivals ont décidé de déprogrammer purement et simplement, ou de délocaliser parfois avec originalité. C’est le cas notamment du Festival au dessert qui, de l’avis de son directeur Mannu Anzar interviewé sur RFI, peut redonner de l’espoir aux nombreux artistes désœuvrées depuis l’occupation du Nord Mali. Ainsi, pour sauver coûte que coûte le Festival, ces organisateurs ont prévu deux caravanes, l’une avec Oumou Sangaré, l’autre avec le groupe touareg emblématique Tinariwens convergent tous vers Ouagadougou le mois prochain (Février 2013).
De ce constat, on comprend aisément que les espaces culturels au Mali en générale, et plus particulièrement à Bamako soient pratiquement à l’arrêt. Pour qui connait Bamako, la capitale malienne, c’est une ville hautement culturelle avec des espaces qui proposent régulièrement des spectacles et autres productions culturelles. Il ya l’Institut Français qui est l’une des vitrines culturelles de Bamako avec sa très riche programmation ; officiellement, elle est fermée pour travaux, mais avec l’intervention de l’Armée Française, on comprend mieux que c’est pour des mesures de prudence. Le Blomba, autre centre névralgique de la culture à Bamako avait, indépendant de cette crise, fermé ses portes pour raison de rupture de contrat avec le propriétaire du local. Cependant, le prometteur de cet espace, -dont je tiens à rendre un grand hommage pour sa contribution à la revigoration surtout du théâtre malien qui était à l’agonie-, promettait il y a quelques mois l’ouverture d’un nouvel espace pour la reprise de ces activités. Là aussi, sans doute retarder par la crise. Autre espace, autre constat de tristesse, le Palais de la culture Amadou Hampathé Bah, qui voit se produire la presque totalité de la scène musicale malienne semble aujourd’hui endeuillée car plus de concerts ne s’y organisent. Pour nous autres mélomanes, vous imaginez le calvaire que nous traversons ; et déjà, je vous assure qu’il nous manque ces soirées ou des orchestres d’infortunes se produisent dans les bars et autres espaces culturels. Pour comprendre comment vie Bamako en temps normal, je vous renvoi à mon billet : Bamako, une ville musicale sur https://michouthe.mondoblog.org
Je termine en souhaitant vivement la paix pour que revive le Mali culturel.
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