Portrait d’Oumou Sangaré, la diva du Wassulu : Artiste engagée et femme d’affaire

19 février 2013

Portrait d’Oumou Sangaré, la diva du Wassulu : Artiste engagée et femme d’affaire

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Plus que jamais, la culture fait la une du regard de Michou. J’imagine que c’est ce qu’il y a de meilleur à offrir par le Mali en ces temps de guerre. Car, je ne vous l’apprends pas, le Mali est un pays éminemment culturel. Aujourd’hui j’ai choisi de vous parler d’une grande voix de la musique malienne pour qui j’ai une grande admiration : Oumou Sangaré, la diva du Wassulu.

Originaire du Wassulu, -région boisée, située au sud du Mali et flanquée entre Bamako et Sikasso à la frontière guinéenne-, Oumou Sangaré est née le 02 Février 1968 à Bamako.

Issue d’une famille de chanteuse, Oumou s’initie à la musique auprès de sa mère et de sa grande mère. Dès son enfance, Oumou décide de se lancer dans la chanson pour aider sa mère Aminata Diakité à nourrir sa famille, son père les ayant abandonnées. La musique d’Oumou Sangaré s’inspire des mélodies de la tradition (musique et danse traditionnelle des chasseurs)  du Wassulu. Située à une centaine de km de Bamako (120). Cette région fait fi des règles de castes qui n’autorisent que les Djeli (Griots) à chanter ; comme c’est le cas du Mandé ou les griots sont à la fois généalogiste, conteurs, historiens et chanteurs de louanges. Donc, Oumou, bien qu’étant noble peulh, peut chanter comme beaucoup d’autres comme elle au Wassulu.

Carrière musicale

C’est très tôt, à l’âge de 5 ans qu’Oumou Sangaré se fait remarqué pour son talent de chanteuse en remportant la finale des écoles maternelles de Bamako. Ce fut sa toute première prestation en public devant 3000 personnes dans la salle polyvalente du Stade Omnisport Modibo Keita. Parallèlement à cet gout prononcé pour la musique, Oumou va continuer à vendre de l’eau dans la rue, gagnant quelques sous pour aider sa mère. Cet épisode de sa vie nourrira plus tard son engagement pour la défense de la cause des femmes.

De la chanteuse de rue et d’événements sociaux (Mariage, Baptême etc.) à Bamako, Oumou se découvre une vocation pour la musique lui poussant même à abandonnée l’école. De plus en plus apprécié par le public bamakois, elle intègre l’Ensemble Instrumental National du Mali. Puis, sous la houlette de Bamba Dembélé du Djata Band (un orchestre local très célèbre avec Zani Diabaté), elle effectue sa première tournée hors du Mali avec l’Ensemble de Percussion Djoliba.

Ensuite, Oumou va passer à la vitesse supérieure, sous le coaching d’Amadou Ba Guindo, un grand maitre de la musique malienne, qui l’aide pour la sortie de son premier Album «Mussolu » (qui signifie les femmes). Cet album parait chez JBZ à Abidjan pour Syllart. A sa sortie, l’album fait un triomphe au Mali et en Afrique de l’Ouest, consacrant la naissance d’une grande star.

Oumou chante principalement en « wassulukan », une variante du Bamanankan (qui signifie Bambara) autour des thèmes d’exode rural, de la protection de l’environnement, d’amour etc. En grande défenseuse de la tradition, elle n’hésite pas à épinglé se cotés négatifs comme la polygamie, les mariages arrangé et/ou forcés et l’exploitation des femmes. C’est d’ailleurs grâce à cet engagement qu’Oumou Sangaré reçoit des encouragements de femmes maliennes, ivoiriennes, guinéennes, burkinabé etc.

Le succès de son premier album l’ouvrant alors les portes d’une carrière internationale, Oumou, -déjà surnommée diva du Wassulu-, va enchainer avec un deuxième album « Ko sira » (qui signifie la route de la rivière). Cet album enregistré à Berlin (Allemagne) sort en 1993. Avec la bénédiction d’Ali Farka Touré, elle signe chez World circuit, un label anglais.

Désormais, Oumou Sangaré est considérée comme l’ambassadrice du Wassulu. A travers sa musique elle porte le son de son terroir aux oreilles du monde entier. En outre, elle collabore avec de grands musiciens qu’elle invite régulièrement sur ces albums. Ainsi, en 1996 elle sort « Worotan » (qui signifie 10 colas). Cet album enregistre la participation de Pee Wee Ellis, ancien saxophoniste de James Brown, et Nitin Sawhney.

Depuis 1990, la carrière d’Oumou n’a cessé de prendre de l’ampleur. Elle se produit sur les plus grandes scènes du monde (Opéra de Sydney, Central Park à New York, Roskilde festival, festival sur le désert « Essaouira » au Mali, opéra de la monnaie de Bruxelles en Belgique, Queen Elisabeth Hall en Angleterre, tous les festivals des Pays Bas etc.

Parallèlement, elle continue de produire des albums. Ainsi, en 2001, elle sort son quatrième album « Laban » (qui signifie la fin). Cet album, parut uniquement en cassette en Afrique, fut vendus à plus de 120 000 exemplaires au Mali. Deux ans plus tard, parait « Oumou » (2003), un double album qui regroupe tous les succès de la diva plus quelques inédits dont « Baba ». Mais avant, à l’occasion de la Coupe d’Afrique des Nations organisée, elle sort un album en 2002 intitulée tout simplement CAN 2002. De cette période à aujourd’hui, Oumou mettra sur le marche discographique trois autres albums : Strange fruit en 2006 ; « Seya » (qui signifie joie) en 2009 sous la direction artistique de Cheick Tidiane Seck avec la participation d’une cinquantaine de musiciens dont Tony Allen et des habitués (des anciens cuivres de James Brown) Fred Wesley et Pee Wee Ellis ; et le tout dernier « Bi furu » (qui signifie mariage d’aujourd’hui) en 2011.

En un peu plus de vingt ans de carrière, Oumou Sangaré a aussi reçu de nombreuses récompenses au Mali et dans le monde. Ainsi, elle reçoit entre autres le « Tamani d’Or » en 2003, récompensant la meilleure artiste de l’année aux trophées de la musique au Mali, -elle en fut d’ailleurs la première lauréate- ; le Prix de la musique de l’UNESCO en 2001 pour sa contribution à « l’enrichissement et au développement de la musique, ainsi qu’à la cause de la paix, de la compréhension entre les peuples et de la coopération internationale ». Elle est également et depuis 1998 commandeur des Arts et Lettres de la République française. Sans oublier qu’elle a participé à la bande originale du film Beloved en 1998 avec Oprah Winfrey dans le rôle principal. Il ya aussi ce duo avec Alicia Key chez Guillaume Durant sur France 2 avec une chanson intitulée « Falling ».

Hormis cette période de crise, quand Oumou Sangaré est à Bamako, elle se produit tous les Samedis soir sur la scène de son hôtel.

Une artiste engagée

Cette immense carrière musicale est accompagnée d’un grand engagement de la part de la diva pour différentes causes sociales, particulièrement celle pour les femmes et celle plus récente pour la paix au Mali. Femme de caractère, Oumou n’hésite jamais à dénoncer quand’ il le faut « je dis ce que j’ai envie de dire et je fais les choses comme j’ai envie de les faire ». Cette attitude trempée lui a valu quelques accusations infondées : les rumeurs ont, à un moment donné, circulé sur sa participation à un film pornographique ; ou son homosexualité. Elle est qualifiée de femme libertine dans certains milieux religieux. N’empêche que cette grande défenseuse de la cause des femmes n’hésite pas à dénoncer dans ces chansons les méfaits de certaines pratiques traditionnelles (polygamie) sur les femmes. C’est entre autre pour ces différents engagements qu’elle a été nommée en 2003 comme ambassadrice de Bonne Volonté pour la FAO.

Plus récemment, la situation de crise que vit notre pays, l’amène à sortir un single intitulé « Paix ». Puis,  avec une quarantaine d’artistes maliens, elle participe à l’enregistrement d’un morceau choral en faveur de la paix au Mali, intitulé « Mali ko » (qui signifie la cause du Mali). A la fois très préoccupé par cette situation «  faisons attention, pour ne pas perdre notre pays. Faites attention, sinon nos enfants et nos petits enfants ne pourront pas lever la tête. Je m’adresse aux politiciens et aux militaires» (extrait du refrain chanté par Oumou Sangaré), Oumou reste optimiste pour le Mali « le mali est un pays béni, il restera un et un et indivisible » (Bamako Hebd, 15/02/2013). En outre elle salue vivement l’intervention française au Mali et en appelle au Président François Hollande de bien finir le bulot « […] Dieu aime le Mali, il nous l’a démontré à travers l’intervention inattendue de la France, sans quoi on n’en serait pas là aujourd’hui. Je suis très contente : la France a fait son devoir comme les autres pays africains. La paix reviendra dans notre pays, parce qu’il est béni ; le Mali restera un et indivisible. Je demande aux maliens de rester soudés, unis pour une seule cause, leur pays. Le Mali ne va se diviser ! Je dis grand merci à François Hollande, à toute son équipe et à tous les français. Il est venu au Mali, il est venu chez lui. Il nous a rassurés avec son discours, nous lui demandons de travailler en fonction de ce discours. Il doit rester sur cette lancée » (Bamako Hebd, 15/02/2013).

Une femme d’Affaire

La diva du Wassulu, non sans être satisfaite d’une carrière musicale bien remplie, se lance dans les affaire pour dit-elle créer des emplois et aider la jeunesse malienne « Mon objectif, sinon mon idée, c’est de créer le maximum d’emplois dans le peu de temps que je vais vivre, inch Allah. Je fais partie des gens qui sont venus au monde pour servir les autres. Je suis prête à servir mon pays jusqu’à la fin de ma vie. Si le bon Dieu me donne la santé, je ferais tout pour aider mon pays. […] Je suis toujours prête à partager avec la jeunesse de mon pays. Parce que personnellement je n’ai pas le temps de suivre et gérer tout ce que je suis en train de mettre en place. Mais je fais confiance à la jeunesse, en lui donnant du travail et des opportunités. Je lui donne sa chance de réussir aussi » (Bamako Hebd, 15/02/2013).

En femme d’affaire aguerrie donc, Oumou Sangaré possède un holding qui intervient dans divers domaines dont l’automobile, l’hôtellerie, et l’agro-alimentaire.

–         L’hôtellerie, c’est déjà en 2002 avec l’ouverture de l’hôtel Wassulu à Bamako. Oumou y loge ces amis artistes en séjour à Bamako. Tous les samedis, on l’a déjà signalé, elle s’y produit avec son groupe avec d’autres artistes de la place.

–         L’automobile, Oumou s’y lance en 2006 avec la vente de véhicules d’origine chinoise. Cette société de concession automobile commercialise des modèles portant le nom « Oum Sang » des diminutifs de son nom et de son prénom.

–         Depuis quelques temps, elle fait dans l’agro-alimentaire. Elle importe des denrées alimentaires (Riz, huile, sucre, spaghettis, lait…) de la Thaïlande qu’elle commercialise dans ses magasins à Bamako.

La star à la double casquette d’artiste et de femme d’affaire n’a certainement pas dit son dernier mot. J’en suis sur qu’Oumou nous réserve le meilleur pour demain.

Retrouver des extraits de la musique d’Oumou Sangaré sur www.rfimusique.fr

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